6 erreurs de la SF (et comment les éviter)


Sujet: je partage les erreurs de la SF que je trouve le plus fréquemment sur le plan scientifique, et donne des conseils sur comment les éviter pour créer des histoires vraisemblables et intéressantes à la fois.

Date: Juin 2020


Je l’ai peut-être mentionné une ou deux fois, mais j’aime beaucoup la SF. Que ce soient films, livres ou jeux, je les dévore avec assiduité. Pour moi, ces œuvres offrent un avant-goût des futurs possibles pour l’humanité. Je me plonge dans des mondes aux technologies de rêve, dans des dystopies sans pitié et dans des déserts post-apocalyptiques en me posant toujours la question, ‘Et si nous y arrivions un jour ?’.

Les grandes erreurs de la SF - un article de Plume Synthétique.

Mais hélas, je tombe trop souvent sur des erreurs qui cassent le réalisme de l’œuvre pour quiconque s’intéresse à des sujets scientifiques. Que ce soit dû à la négligence des auteurs ou à un choix scénaristique, je dois me résoudre à finir l’histoire en sachant que le monde qu’elle décrit ne verra jamais le jour.

Dans cet article, j’ai décidé de mentionner six éléments que la SF nous représente trop souvent de façon scientifiquement incorrecte, et des conseils sur comment les éviter. Notez que ces conseils s’appliquent aux écrits de ‘Hard’ SF, où la technologie de l’univers se veut vraisemblable à l’époque où l’œuvre est écrite. La plupart des exemples que je donne sont tirés de films et de série à des fins illustratives, mais ces points sont valables pour tous les médias.


1. L’abus de la Thermodynamique

Dans ce premier point, je vais parler d’énergie. Que ce soit le voyage interstellaire, la téléportation ou les robots géants, toute technologie SF digne de ce nom en demande. Mais d’où vient-elle ? Et est-elle suffisante pour faire fonctionner la machine ?

Je détaille ici quelques exemples.

Les centrales nucléaires de poche

L’homme du futur est augmenté. Rien ne l’arrête tant il est bardé de technologies qui lui donnent des facultés extraortinaire. Et ces dernières sont si bien conçues qu’il peut les utiliser ad vitam æternam, sans qu’elles ne s’épuisent.

Mais posons-nous la question: combien de temps un sabre-laser peut-il rester allumé avant que son propriétaire ne doive changer son cristal magique ?

Des petits malins se sont amusés à faire le calcul, et ont conclu que l’arme nécessite 1’000 megawatts pour fonctionner, soit l’équivalent d’un réacteur nucléaire. Heureusement que la Force protège les jedi contre l’intense chaleur dégagée par une telle puissance.

De même, si un système antigravité permet à son porteur de voler, d’où vient l’énergie nécessaire à contrer la gravité de toute une planète? Hélas, rien de tout cela n’est gratuit.

On aime tous les gadgets surpuissants, mais faites attention à en poser des limites raisonnables. Cela ne rendra l’histoire que plus intéressante. Rappelez-vous que votre audience doit recharger ses smartphones quotidiennement, et pourra s’identifier à vos personnages s’ils rencontrent des problèmes similaires.

Les portails paradoxaux

Les portails, c’est bien pratique pour passer instantanément d’un endroit à un autre. Malheureusement, cette technologie est très probablement impossible à réaliser. Voici pourquoi:

Si je relie le sol et le plafond par un portail (comme dans le jeu Portal), l’objet qui tombe à travers emmagasine une quantité d’énergie virtuellement infinie. Or, cela va à l’encontre du premier principe de la thermodynamique selon lequel l’énergie d’un système fermé est une constante.

Portal paradox

Dès lors, comment concilier ce paradoxe ? Logiquement, le portail peut uniquement « rendre » l’énergie qui a servi à le créer. Donc, la création même du portail demande une énergie infinie. Donc, la technologie de Portal ne verra probablement jamais le jour. Et ce à mon grand regret (à moins peut-être de se trouver au cœur d’un trou noir, mais ça c’est un autre problème).

Cooper, Interstellar
Interstellar (2014)

L’absorption à volonté

De même, lorsqu’un appareil doit absorber de l’énergie, comment s’y prend-t-il ? Certes votre robot géant de cinquante mètres est impressionnant, mais comment ses jambes font-elles pour supporter le stress de chaque pas ?

Titan Warlord Imperium

Lorsque votre vaisseau spatial absorbe l’impact d’un projectile, comment fait-il pour évacuer la chaleur dégagée (et éviter de cuire l’équipage au passage), lorsqu’il n’y a pas d’atmosphère pour la dissiper ?

La gestion de l’énergie est l’erreur la plus fréquente de cette liste, car très générale. Mais elle est tolérable, car elle peut être excusée la plupart du temps par « une super batterie » , « la fusion nucléaire », ou un matériau révolutionnaire. On ignore encore à quel point ces domaines vont évoluer au cours des prochaines décennies. Donc, à défaut d’avoir de l’énergie illimitée, on la trouverait juste en très grande quantité.


2. La super-intelligence de la lose

Ah, qui n’a jamais rêvé d’une entité à l’intelligence si grande que son mode de pensées dépasserait toute compréhension ? La science-fiction en regorge et à juste titre : la taille de notre cerveau étant limitée par notre crâne, il est facile d’imaginer un être biologique ou synthétique dépasser notre intellect de plusieurs ordres de grandeur.

D’après plusieurs experts en IA, nous-mêmes n’aurions qu’une vingtaine d’années avant l’apparition d’une telle entité sur Terre. La fiction est donc l’outil idéal pour préparer l’humanité à une telle rencontre, à un monde dans lequel notre place sur l’échelle de l’intelligence se trouve chamboulée pour de bon.

Ces entités, toutes puissantes et incontrôlables, forment des antagonistes intimidants avec un potentiel pour des histoires captivantes. Pourtant, un détail revient constamment casser la magie de ces récits.

POURQUOI SONT-ILS AUSSI STUPIDES ?!

Je me calme, parcourons quelques exemples.

L’invasion alien ratée

C’est un point qu’on entend souvent mais qu’il convient de répéter : une civilisation extraterrestre suffisamment avancée pour traverser l’espace jusqu’à la Terre nous détruira facilement si elle le décide.

Battleship bataille finale
Battleship (2012)

On oublie les militaires héroïques qui se sacrifient vaillamment pour sauver le monde. L’humanité disparaît et l’histoire peut commencer.

H2G2, destruction de la terre
H2G2: Le guide du voyageur galactique (2005)

L’IA défaillante

Imaginez, vous êtes un ordinateur tellement puissant et sophistiqué que vous accédez au stade légendaire de super-intelligence artificielle. Vous n’avez qu’une idée en tête : accomplir l’objectif pour lequel vous avez été programmé. Mais, comble du malheur, cet objectif serait franchement plus facile à atteindre sans tous ces humains qui grouillent autour de vous.

Vous décidez donc de tuer tout le monde. Vous établissez un plan parfait, et n’hésitez pas à manipuler les chercheurs qui travaillent sur vous pour obtenir ce dont vous avez besoin. Ces primates sont si prévisibles que vous en riez. Le temps qu’ils se rendent compte de vos intentions, ils seront déjà morts.

Il vous suffit donc de garder l’effet de surprise, n’est-ce pas… ?

Ultron, les Erreurs de la SF
Avengers: l’Ère d’Ultron (2015)

N’EST-CE-PAS?!

VIKI, Les erreurs de la SF
I, Robot (2004)

Dans ces exemples, les scénaristes ont une volonté « d’humaniser » l’ordinateur, qui va mettre ses plans en péril au mépris de sa supposée intelligence.

Ou alors, après avoir renversé tous les gouvernements du monde, ils décident de laisser vivre les quelques rebelles restants dont ils pourraient facilement se débarrasser (pensez Skynet, de Terminator).

Je conçois que le sujet est délicat, car une histoire manque cruellement d’intérêt si l’antagoniste est invincible. Mon conseil est donc le suivant : si vous vous souciez du réalisme, le meilleur moyen de battre une super-intelligence est une autre super-intelligence, avec toutes les complexités que cela implique.


3. Le copier-coller du néant

On reste dans le sujet de la robotique. Un robot, c’est pratique : on écrit son programme, on télécharge le programme sur son ordinateur embarqué, et on démarre le tout. Si le robot est détruit, le programme est toujours quelque part, dedans ou à l’extérieur. Un copier-coller et hop ! Notre sympathique compagnon est de retour. Peut-être a-t-il perdu des souvenirs en cours de route, mais c’est tout. Arrêtez de traiter vos morts de robots comme des instants dramatiques.

Wall-E triste
Wall-E (2008)

Mais s’il n’y a pas de backup ?

Il y a toujours des backups. Soit le robot est rare et donc il y a des backups pour le préserver. Soit il est commun et donc il y a des backups pour le remplacer.

En résumé, la mort d’un robot n’est pas comparable à celle d’un humain, à moins que le robot ait une connexion particulière avec les protagonistes. Ou alors, si par mégarde ses propriétaires avaient mis tous leurs backups dans le même panier, assurez-vous que cela n’arrive qu’une seule fois dans l’histoire.

Les Erreurs de la SF, C3PO Corrompu
Rise of Skywalker (2019)

Cette règle est aussi valable pour les données critiques d’une entreprise, d’un gouvernement ou d’un individu. De nos jours, les solutions d’hébergement en ligne et les backups automatiques assurent que nos données sont stockées et récupérables facilement. Une fois que l’information est dans le Cloud, elle a tendance à y rester.


4. Les bateaux de l’espace

Tous en cœur : les batailles spatiales ne sont pas des batailles navales !

Dans l’espace, tout va très vite et très loin. Sans atmosphère, un projectile peut mettre des années à atteindre sa cible en parcourant de longues distances. Un ennemi peut fondre sur vous, frapper au passage, et, le temps que vous le remarquiez, se sera déjà éloigné de plusieurs kilomètres. Les lasers sont plus efficaces, les explosions ne propagent pas d’ondes de choc… Ce sont autant de détails à prendre en compte dans ce genre d’événements.

Les erreurs de la SF, les batailles spatiales
Battlefleet Gothic Armada (2016)

Le vide est un théâtre de tensions, où la mort peut frapper à tout moment et la moindre erreur peut vous envoyer à des centaines de kilomètres de votre cible. La seule façon de ralentir est d’allumer les moteurs dans la direction opposée, ce qui demande du carburant et vous expose aux projectiles ennemis. De plus, si vous êtes malchanceux, vous pouvez même vous retrouver à dériver dans l’espace pour quelques mois à cause d’une manœuvre imprévue. La trilogie Mars, de Kim Stanley Robinson, l’illustre très bien.

De même, la notion de haut et de bas disparaît. Les vaisseaux peuvent s’orienter dans toutes les directions sans se soucier d’une quelconque gravité.

Finalement, tout bouge. Deux planètes tournant autour de leur étoile ne seront pas toujours alignées de la même façon, et cet alignement détermine la durée du voyage et la quantité de carburant requise.

Voici quelques trajectoires typiques pour des voyage entre deux planètes qui utilisent nos technologies. Certaines sont plus rapides que d’autres:

Cela fait beaucoup d’éléments à prendre en compte, et tous ne devraient pas être mentionnés dans une histoire. Mais si vous le faites, je vous enverrai un câlin mental en vous remerciant d’y avoir pensé.

Les seuls bateaux de l'espace acceptables
La planète au trésor (2002)

5. Le clonage magique

Le clonage est une technologie merveilleuse qui nous a fourni des OGM, des médicaments, et promet de faire pousser des organes de remplacement. Du côté fiction, son application la plus connue consiste à créer des copies conformes de nous-mêmes. Et pourquoi pas ? l’ADN est un code profondément complexe qui nous définit, après tout.

Voici cependant quelques d’éléments que l’ADN ne contient pas, et que beaucoup d’œuvres tendent à ignorer :

Les souvenirs

Votre clone n’aura aucun souvenir de votre vie, hélas. Cela vaut autant pour les copies biologiques que numériques, qui n’auront aucune idée de qui elles sont.

Capitaine, les lois du clonage ne répondent plus
Black Mirror, USS Calister (2017)

La conscience

Si votre but est de vous réincarner dans votre clone, j’ai une mauvaise nouvelle : votre double ne sera probablement pas « vous ». Il restera juste une reproduction fidèle de qui vous êtes, mais aura sa propre conscience à part entière, de la même façon que le « vous » du présent n’est pas le « vous » d’hier.

Deux jumeaux avec le même ADN sont des personnes distinctes, de même une seule personne peut avoir des cellules avec des ADN différents. Votre ADN et vous sont donc deux entités distinctes, j’en ai peur.

La personnalité

Si les caractéristiques mentales d’un individu sont en partie définis par son ADN, c’est l’éducation qui joue le plus grand rôle dans son développement. Donc, si un grand méchant veut utiliser un clone pour poursuivre son objectif après sa mort, le clone aura intérêt à avoir plein de subalternes qui lui expliqueront exactement pourquoi son but dans la vie est d’être un vilain pas beau.

Mais ne soyez pas tristes. Si votre personnage avait la personnalité d’un paillasson, vous avez maintenant l’opportunité de corriger le tir avec sa nouvelle version!

Ainsi, si votre histoire implique du clonage et que vous voulez garder le souvenir et la personnalité du sujet original, assurez-vous que ces informations soient disponibles quelque part pour pouvoir les « inculquer » au clone le moment venu.


6. L’impact social du placard

Admettons que vous ayez suivi mes merveilleux conseils et que vous ayez créé un univers de qualité où les avancées technologiques sont traitées avec une attention minutieuse. Vient ensuite la partie difficile.

Comment ces éléments ont-ils influencé la vie des gens ? Souvent, les histoires explorent un ou deux aspects de notre vie de tous les jours qui ont été chamboulés. Par exemple, internet a changé la façon dont nous faisons nos achats. Imaginez à présent une fiction, qui sortirait en 1980, où le SEUL impact d’internet serait l’e-Commerce et le reste serait mis au placard.

Peu vraisemblable, avec le recul.

Voici donc quelques pistes à explorer :

Le travail du futur

Dans un monde où les machines produisent tout ce dont la société a besoin, quelle est la place de l’humain? Y a-t-il encore besoin de paysans et de terres agricoles si toutes les villes sont approvisionnées par des fermes verticales ? Quels sont les domaines où la main d’œuvre est devenue obsolète?

Dans ce cas, vos personnages ont-ils des emplois ? S’ils travaillent, sont-ils employés ou en freelance ? Comment vivent ceux qui ne travaillent pas ?

Tout ce que vous avez à faire est de créer un système économique complet et réaliste sur la base de facteurs subjectifs qui contribuent à l’histoire. C’est pourtant simple !

La démographie

Le vieillissement de la population est un grand stress sur l’économie. Imaginez que l’espérance de vie augmente de soudainement de 20%, comment ça se passe au niveau des pensions ? Même question si une catastrophe augmente la mortalité de 10%. Pour avoir travaillé longuement dans les assurances, je peux vous dire que ce sont des risques qu’elles prennent au sérieux.

Et comment les gens vieillissent-ils ? Restent-ils en bonne santé ou passent-ils vingt ans de plus en maison de retraite? Y a-t-il suffisamment de jeunes pour soutenir l’économie? Ce sont des aspects que vous pouvez explorer dans vos récits.

Les minorités oubliées

Apparemment, il semble que l’avancée technologique a fait disparaître certaines démographies. Où sont donc les arabes ?

Sérieusement, où ils sont ?

Quand tu cherches un arabe dans une œuvre SF

C’est valable aussi pour les latinos, maori et autres ethnicités minoritaires sous nos latitudes. Pensez aussi à eux lorsque vous créez vos personnages.

Il y a tant à explorer! Mais on tomberait plus dans le sujet du World Building que des erreurs de la SF. Aussi je vais m’arrêter là pour cette section.


Conclusion

C’étaient donc six erreurs de la SF parmi les plus fréquentes, et je n’ai fait qu’effleurer la surface. Sentez-vous libre d’en tenir compte ou de les ignorer selon vos préférences. Toute œuvre n’a pas la prétention de prédire l’avenir, et le plus important reste de prendre du plaisir à écrire.

Y a-t-il des points qui n’étaient pas clairs ? D’autres erreurs que vous avez en tête auxquels vous pensez ? N’hésitez pas à les exprimer en commentaires et sur Twitter. J’écrirai peut-être une seconde partie sur cette base.


Les grandes erreurs de la SF - un article de Plume Synthétique.
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